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       La Seine à Paris 
        
        Exposition à l'Hôtel de Ville de Paris, novembre 1997 
           
      La Seine, fleuve navigable 
        Les "marchands de l'eau" ou nautes ont le monopole du transport 
        pour Paris. Ils sont constitués en association, la hanse. Celle-ci 
        acquiert le privilège de lever l'impôt (1190) et de représenter 
        les intérêts de la ville, face aux pouvoirs multiples du 
        roi, des nobles, des évêques et des abbayes. On compte 500 
        juridictions différentes (police, justice, etc.) à la fin 
        du Moyen Âge. 
        La navigation sur la Seine et délicate au passage des ponts. Ce 
        sont des "chefs de ponts" ou "avaleurs de nefs" qui 
        ont l'exclusivité des passages, comme les pilotes de ports. Pour 
        cela, ils perçoivent un droit, à partir de l'octroi de la 
        Rapée (point amont où débute leur privilège). 
        L'adage édicte que "tout avoir qui entre dans l'eau (sur un 
        bateau) ou hisse de l'eau (est débarqué sur le quai) doit 
        obole au rivage". Pour la remontée du courant, les pilotes 
        utilisent des treuils mus par des roues à aubes, car le chemin 
        de halage est interrompu au niveau des ponts. 
        Au XXe siècle, le transport de passagers prend son essor, jusqu'à 
        l'introduction des autobus puis du métro à la fin de ce 
        siècle. En 1803, le premier bateau à vapeur, et à 
        aube, est testé. A partir de 1837, la Compagnie Générale 
        des Bateaux à vapeur assure une liaison de Paris à Saint-Cloud. 
        Les expositions universelles de 1867 et 1878 sont le prétexte à 
        une réorganisation des "bateaux omnibus". Jusqu'en 1914, 
        des millions de passagers sont transportés entre Maisons-Alfort 
        et Suresnes (26 Millions/an au plus fort du trafic). Ce service disparaît 
        en 1934. En 1950, le tourisme relance les bateaux-promenade ou bateaux-mouches. 
      Les ports  
        Le premier port est implanté en amont de l'île de la Cité 
        : le port Saint-Landry. Y débarquent du bois et de l'alimentaire. 
        Louis VII le complète en 1141 avec un port sur la rive droite, 
        le port de la Grève, nommé en raison de la pente douce de 
        la berge. Les produits alimentaires fournissent les halles de la rive 
        droite. Le poisson est vendu sur place, et conservé à bord 
        de bateaux munis de viviers. Au XIXe siècle, les ouvriers sans 
        travail prendront l'habitude de se réunir place de Grève, 
        face à la municipalité. Delà vient l'expression "faire 
        la grève", pour signifier une manifestation d'ouvriers (en 
        fait sans travail).  
      Les activités sur les berges et sur l'eau 
        Les bords de la Seine accueillent toutes sortes de navires non marchands 
        :  
        -  bateaux-lavoirs arrimés à la rive droite qui est ensoleillée 
        (principalement au niveau de l'île Saint-Louis). L'île-aux-vaches 
        (qui sera remblayée pour former l'île Saint-Louis) sert à 
        étendre le linge. Il y a 80 bateaux-lavoirs en 1789. Leurs permis 
        ne sont pas renouvelés en 1805, mais ils ne disparaissent que progressivement 
        jusqu'en 1937.
 
         -  bains publics, remis au goût du jour par les croisés, au 
        XIIe siècle, de retour d'Orient.
 
         -  bateaux-piscines. Le dernier, la piscine Deligny, coule en 1993.
        
  
      Sur le fleuve, s'ancrent des moulins-nefs, bateaux équipés 
        de roues à aubes actionnant des meules. Les moulins-pendus, fixés 
        au Grand Pont, leur font concurrence. Les Pont aux Meuniers (construit 
        en 1323) remplace les bateaux. Il comprend une passerelle d'accès 
        aux moulins fixés dans le lit du fleuve. Une autre activité 
        est le pompage de l'eau : pompe à eau dite de la Samaritaine, sur 
        le Pont-Neuf (1608-1813), pompe au Pont Notre-Dame (1671-1852). 
       
       Les ponts 
        A l'origine l'île de la Cité facilite la traversée 
        de la Seine. Le grand bras au Nord est franchi par le "Grand Pont", 
        et le petit bras par le "Petit Pont". 
        La construction des ponts est emprunte depuis fort longtemps de connotations 
        religieuses. Franchir un fleuve peut heurter les esprits malins, et battre 
        des pieux les irriter. Les Romains font appel à un prêtre, 
        le "pontifex", littéralement "faiseur de ponts". 
        D'où découle "pontife", le plus haut niveau de 
        la communauté religieuse. Le pontife fait des sacrifices, d'animaux, 
        voire, dans certains légendes humains. La hache, qui sert à 
        couper le bois ou à décapiter les animaux sacrifiés, 
        est leur symbole. La superstition demande de battre les madriers de bois 
        la cime en haut. Au Moyen-Age, les moines sont chargés de faciliter 
        les pèlerinages, en organisant le franchissement de fleuves, au 
        moyen de bacs ou de ponts, et en recueillant les malades. Ceux qui les 
        aident reçoivent des indulgences sous la pontificat d'Innocent 
        IV (1234). En 1500, c'est un moine italien, le père dominicain 
        Joconde, qui reconstruit le pont Notre-Dame (détruit par la crue 
        de 1499). En 1695, un moine dominicain, le frère Romain, participe 
        avec J H Mansart et J Gabriel à la construction du pont Royal. 
        Le Pont-aux-Meuniers est construit par le Prévôt de la ville, 
        le Petit-Pont par l'évêque Maurice de Sully (qui lance la 
        construction de la cathédrale Notre-Dame), tandis que le Pont au 
        Double est d'abord un lien entre deux bâtiments de l'hôtel-Dieu 
        avant d'être ouvert au public (9 ans après sa construction). 
        Une initiative privée importante est l'urbanisation des îles 
        amont de la Cité, regroupées en île Saint-Louis, au 
        XVIIe siècle. L'ingénieur et promoteur Christophe Marie 
        construit le pont qui relie l'île à la rive droite et porte 
        son nom. 
        Les autres ponts relèvent de la puissance publique : 
       
      -  Le Pont-Neuf, construit par Henri III (1578-88) et achevé par 
        Henri IV (1598-1607) est financé par le lotissement de trois îlots 
        inondables, en aval de l'île de la Cité (à force de 
        lotissements, l'île passe de 8 ha, à l'Antiquité, 
        à 17 ha). Ce lotissement préfigure la place des Vosges : 
        12 lots sont vendus. Les maisons doivent respecter le même ordonnancement, 
        rez-de-chaussée à arcades, deux étages de brique, 
        avec chaînage en pierre. Seuls subsistent aujourd'hui les pavillons 
        d'extrémité, face à la statue équestre de 
        Henri IV (qui date de 1818).
 
         -  Le pont Notre-Dame est reconstruit sous Charles VI qui institue un impôt 
        sur le bétail, le sel et le poisson. Il est le premier pont dont 
        les maisons sont numérotées (ce qui ne les empêchent 
        pas de sombrer en 1499 avec le pont).
 
  
        Les ponts sont le plus souvent à péage : par ordre chronologique, 
        Pont-au-Double (ainsi nommé parce que les cavaliers acquittent 
        un double tournois, péage supprimé en 1789), Petit-Pont 
        (péage institué par Saint Louis sur les passants et les 
        marchandises) et Grand-Pont (ou Pont-Notre-Dame), Pont des Arts (de 1803 
        à 1848), Pont Royal et Pont des Invalides. Certaines catégories 
        de personnes sont exonérées, ce qui suscite des conflits 
        et de la triche : par exemple, les ecclésiastiques sont dispensés 
        sur les ponts qui mènent à Notre-Dame. Les nobles et les 
        parlementaires se rendent à la Cité sans payer. En 1353, 
        les écoliers sont exonérés, aussi bien ceux qui fréquentent 
        les écoles de la Cité (écoles religieuses) que ceux 
        des collèges de la rive gauche. Au Petit-Pont, les montreurs de 
        singes s'exonèrent en faisant faire un tour à leurs animaux, 
        d'où l'expression "payer en monnaie de singe". Plus tard, 
        les invalides seront exonérés au Pont des Invalides.  
        Les autres moyens de franchissement sont les bacs (plus nombreux que les 
        ponts). Ce sont en général des entreprises privées, 
        de service public, donc soumises à autorisation. En 1827, une série 
        de concessions sont accordées sous Louis-Philippe pour remplacer 
        les bacs ou reconstruire des ponts vétustes : pont d'Arcole, pont 
        des Invalides (un premier pont suspendu n'est jamais livré à 
        la circulation à cause d'un défaut de construction), pont 
        de l'Archevêché (à côté de Notre-Dame, 
        archevêché qui sera incendié lors des émeutes 
        de 1831), Pont de Grenelle (concessionnaires : promoteurs du quartier 
        de Beaugrenelle). Ces ouvrages sont à péage (pour rembourser 
        le concessionnaire). Les péages sont abolis en 1848, et les concessionnaires 
        dédommagés par l'État.  
        Les ponts ne sont pas seulement un moyen de franchir le fleuve. Ils attirent 
        chalands et commerçants, ces derniers étant soit ambulants 
        soit fixés dans des échoppes. Les ponts sont alors bordés 
        de commerces et de maisons. Le Pont Notre-Dame accueille libraires et 
        armuriers et le Petit-Pont les apothicaires au XIIIe siècle, puis 
        les marchands d'étoffes au XVIe siècle. Les maisons sont 
        détruites progressivement après une décision de 1786. 
        Ainsi, les maisons du pont Saint-Michel ne sont démolies qu'en 
        1807. Le Pont-Neuf est le premier à être construit sans maison. 
        La haute société prend plaisir à s'y promener. Les 
        balcons du Pont-Neuf sont mis à profit par divers marchands ambulants. 
        Le jour de Carnaval, des parties de dés et de cartes s'y jouent. 
        Du temps de Louis XIV, on y trouve des mandarines, fruits rares à 
        cette époque. Des colporteurs de livrets subversifs jouent à 
        cache-cache avec la maréchaussée. En ces temps-là, 
        les librairies n'existent pas. La littérature est très surveillée. 
        Les bouquinistes obtiennent reconnaissance et s'installent sur les parapets 
        des quais Voltaire, rive gauche, et du quai de la Mégisserie, rive 
        droite. Leur nom, datant du XVIIIe siècle, viendrait de "bouc", 
        par allusion à l'odeur des reliures contenues dans leurs boîtes. 
        Leur profession est légalisée seulement en 1859. Aujourd'hui, 
        ils sont 245 concessionnaires. 
        L'eau qui coule sous le pont est utilisée pour sa force motrice, 
        soit pour moudre du blé, soit pour faire fonctionner des forges. 
        Le Pont-aux-Meuniers est dédié aux meuniers. En 1141, Louis 
        VII accorde aux monnayeurs installés sur le "pont-au-change" 
        le privilège de "battre" monnaie, et de faire le change 
        et la rectification des monnaies usagées. Le pont reconstruit après 
        la crue de 1280 est occupé par les orfèvres (ce qui n'est 
        pas très éloigné des monnayeurs). 
        Les crues, les glaces et les incendies sont les ennemis des ponts :  
        -  crues : la crue de 1280 emporte le Pont-au-Change et le Pont Saint-Bernard 
        qui relie l'île de la Cité à l'île Notre-Dame 
        (partie de l'actuelle île Saint-Louis), où est installé 
        un port pour le bois. Philippe-le-bel le fait reconstruire en instaurant 
        un péage.
 
        1499 : le pont Notre-Dame est emporté. 
        1596 : le Pont-aux-Meniers est emporté. 
         -  débâcle de glaces, qui emportent les ponts ou endommagent 
        les piles : le pont des Invalides est endommagé en 1880.
 
         -  incendies : le Petit Pont brûle en 1748.
 
        Autre accident : la pont Saint-Louis (qui relie l'île du même 
        nom à la Cité) s'effondre au passage d'une procession, en 
        1630. 
        Au XXe siècle, les ponts sont élargis (Pont de la Concorde 
        : 1925-31, Pont national : 1936), ou construits pour les expositions universelles 
        (Pont Alexandre III) ou pour les chemins de fer ou le métro (Bercy 
        : 1904, viaduc d'Austerlitz : 1937). Certains travaux s'inscrivent dans 
        le plan Marquet de lutte contre le chômage.  
        
        Les quais  
        Les premier quais en pierre sont de part et d'autre du Pont-Neuf, mais 
        antérieurs à cet ouvrage : quai des Grands Augustins, face 
        au Palais de la Cité, au pied de l'Hôtel de Nesles (1313, 
        sous Philippe le Bel), quai de la Mégisserie (1369). Les travaux 
        se poursuivent vers l'aval immédiat et vers l'amont de l'île 
        de la Cité : François Ier fait bâtir le quai du Louvre 
        (vers 1520), quai Malaquais (1550), quai de la Tournelle (1554). Les quais 
        de la Cité sont plus tardifs (quai de l'Horloge, 1580, quai des 
        Orfèvres, 1620). Les quais de Saint-Louis sont construits au moment 
        du lotissement de l'île par le promoteur Marie (1615-50). 
       
        Lecture : Quais et ponts de Paris, Marc Gaillard, Ed Martelle. 
       
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