Suite du journal de voyage en Ouzbékistan : Boukhara (page 4/7)
En suivant vers l'Ouest le cours du canal (l'Aryk), qui longe la vieille ville,
on arriverait sur la place du Réghistan et la citadelle. Mais nous reprenons
le car pour parcourir 500 m jusqu'à la place. Comme dans chaque ville,
la place centrale s'appelait le Réghistan, ce que signifie " la
place couverte de sable ". C'est là qu'avaient lieu les châtiments
et les exécutions publiques.
Habituellement, la citadelle est accolée à la ville pour en assurer
la protection. A Boukhara, elle est à l'extérieur de la ville.
Son aspect actuel date de XVIe siècle. Haute de 20 m par endroits,
il s'agit d'une butte artificielle d'une surface de 35000 m² et de 780
m de circonférence qui domine la ville.
Ses murs font 6 m de large à la base et présentent une face inclinée
comme la pente d'une colline. De l'extérieur, on ne voit que le mur terminé
par des créneaux. On pénètre par une porte fortifiée
et une rampe qui monte au fort. Quelques-unes des douze niches aménagées
dans le mur de gauche sont munies de portes. Elles s'ouvraient jadis sur des
cellules humides et étouffantes où croupissaient les plus dangereux
criminels. Au bout de couloir se trouvait la chancellerie du commandant de la
Citadelle, chargé de la garde et du service d'espionnage du palais de
l'émir.
La
citadelle abritait le palais, une mosquée, des casernes, l'hôtel
de la monnaie et la prison. C'est là que vivaient l'émir et ses
proches jusqu'en 1920 et que se déroulait la vie officielle, réceptions,
réunions. En 1920, à l'arrivée des Russes, 3.000 personnes
y vivaient.
On raconte qu'au XIXe siècle, l'émir était intransigeant
sur l'étiquette : tel ambassadeur du roi d'Angleterre, venu négocier
une alliance contre l'ennemi russe, offensa l'émir en arrivant à
cheval, et non à pied. Il n'apportait pas de cadeau, comme le veut l'usage
et il omit de saluer l'émir à la prière du matin. Des gardes
vinrent l'arrêter et le jeter en prison. Un collègue tenta d'obtenir
sa grâce, ce qui agaça plus encore l'émir : les deux anglais
considérés comme des espions furent décapités et
leur dépouille jetée à la fosse commune.
De toutes ces édifices, il ne reste presque rien : la citadelle est un
champ de ruines, en cours de fouille. Une salle de réception comprend
des piliers en bois à sa périphérie. Les anciennes salles
de gardes abritent des commerces, envahis de céramiques et de tissus.
En
face de la citadelle à 200 m, de l'autre côté d'un large
boulevard sans circulation, se dresse la Mosquée Bolo-Khaouz.
C'est la " mosquée du vendredi ", Masjid-i-Jami, mosquée
aux 40 colonnes, car son iwan est un vaste portique de colonnes de bois d'une
hauteur inhabituelle (12,5 m). Leurs chapiteaux sont à stalactites, comme
les voûtes des mirhabs. L'iwan se reflète dans les eaux calmes
d'un bassin ou khaouz. La mosquée a été construite en 1712,
l'iwan en 1914-1917, et le minaret miniature en 1917 (financé par un
riche particulier).
Le car nous dépose ensuite à l'entrée du parc des Samanides,
dans lequel se situent le mausolée d'Ismail Samani (Xe siècle)
- seul édifice conservé de l'époque de Tamerlan - et le
mausolée Tchashmaye Ayoub, dans lequel se trouve la source d'eau découverte
par le saint homme.
Mausolée
des Samanides (Xe siècle) : Les Samanides ont régné
au Xe siècle sur un royaume allant d'Hérat à l'est jusqu'à
Ispahan à l'ouest. Boukhara était leur capitale. Ce mausolée
est l'un des plus anciens édifices en bon état du monde musulman
!
Le Mausolée disparaissait parmi les sépultures d'un cimetière
mal entretenu et était aux trois quarts enfoui sous terre, sans doute
depuis très longtemps et notamment déjà au temps des invasions
de Tamerlan, ce qui lui valut d'échapper aux destructions massives. Il
fut découvert par hasard lors des travaux d'aménagement du parc
Kirov en 1930. L'archéologue russe Shishkine a été appelé
pour expertiser la découverte. Il a pu établir que le mausolée
a été construit par Ismail Samani pour son père Akhmad.
Il s'agirait du premier édifice construit en Asie Centrale en brique
cuite.
Le bâtiment est un cube, issu à la fois de la tradition zoroastrienne
(les 4 éléments, la terre, l'eau, le feu et l'air) et de l'islam
(la Kaaba de La Macque est un cube). Il est surmonté d'une coupole semi-sphérique,
d'où sortent des triangles symbolisant les rayons du soleil. Ce thème
est zoroastrien et il est probable que les architectes fraîchement convertis
(par la force) à l'islam ont voulu exprimer leur ancienne foi.
Les murs sont faits de briques minces de différentes dimensions posées
à plat, en coin, verticalement, en bout ou en épi pour composer
des ornements géométriques et alterner les proportions et volumes.
La lumière et l'ombre jouent tout au long de la journée autour
de ces formes.
On restaura le mausolée avec des briques d'argile lié au lait
de chamelle et au jaune d'uf, pour respecter la tradition ! La région
n'offrait guère d'autre matériau de construction. Les briques
sont toujours faites de manière artisanale et traditionnelle : argile
et lien déposé humide dans un moule de bois et séché
au soleil. A la fabrique, on les sèche au four à 700 °C.
Aujourd'hui, le mausolée est mis en valeur au cur du parc. Des
bassins ont été aménagés où les faces du
mausolée se reflètent. Un système complexe de canaux d'irrigation
permet de mettre en eau les pieds des arbres, arbustes et fleurs, plantés
dans des carrés installés en contrebas des canaux.
Non
loin de là, un peu plus à l'est, un autre mausolée est
appelé Tchachma-Aïyub ou Chahma Ayoub, "la source de
Job", à cause du puits - tchachma - qui se trouve à l'intérieur
et apparut, selon la légende, lorsque le prophète Job (Aïyub
ou Ayoub) frappa le sol de son bâton de pèlerin. Le mausolée
remonterait au XIIe siècle, mais il se présente tel qu'il
fut reconstruit vers 1380. Une coupole conique coiffe le mausolée. Un
petit musée de l'eau et de son approvisionnement est à l'intérieur.
La source est toujours vénérée et réputée
pour ses vertus curatives, notamment pour guérir les maladies de peau.
Nous voyons des dames venues en boire et prier.
Nous
faisons enfin un tour rapide dans le bazar qui est à côté.
Les premiers étalages ont pour les tissus. Dans des salles, on retrouve
des tissus à la découpe. Plus loin, des épices. Une zone
est réservée aux viandes et abats. Plus loin, des paysans vendent
des produits de leur verger, tomates, pommes de terre. Les pastèques
se vendent directement au camion.
Je remarque des femmes qui ont des dents en or : c'est un signe extérieur
de richesse, paraît-il.
D'autres femmes ont un trait noir au-dessus des yeux reliant les sourcils. Elles
utilisent une herbe appelée Ousma pour se maquiller ainsi.
Ici s'arrêtent nos visites du matin, consacrées à la partie
Ouest de la veille ville.
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