Récit de voyage en Ouzbékistan sous forme de Journal de voyage :
L'arrivée à Tachkent :
A
21h30, conformément à l'horaire, nous décollons de
Roissy à bord d'un Boeing 767 de l'Uzbekistan Airlines. Direction
Tachkent, la capitale de l'Ouzbékistan. Cet appareil à fuselage
étroit aligne 7 sièges de front, contrairement aux gros
porteurs qui ont 10 sièges de front. Il faut éviter les
sièges en queue d'appareil, car les oscillations y sont très
perceptibles et donnent le mal de mer. La nuit a été courte,
car après le décollage et le dîner servi tardivement
nous avons eu à peine 3 h de sommeil possible avant le petit déjeuner.
J'ai pu observer la steppe infinie, ocre comme un désert de sable,
et les traces rectilignes des pistes qui se croisent, se dédoublent,
se rejoignent, puis un grand lac aux eaux bleues. Nous atterrissons après
6 heures 30 de vol. Il est 4 heures en France et 7 heures en Ouzbékistan.
Le passage des contrôles de police est assez long, comme il se doit
dans un pays anciennement communiste. Nous avons un visa de groupe, et
nous devons défiler un par un, pour recevoir le tampon de bienvenue
en Ouzbékistan. Une fois les bagages récupérés,
on se remet en file indienne interminable et presque immobile, pour passer
le contrôle de douane. Les bagages passent aux rayons X. Les douaniers
assez nombreux discutent, partent, reviennent et nous ignorent méchamment.
De temps en temps, un douanier se décide à regarder les
formulaires en doubles exemplaires que nous avons pris soin de remplir
: nombre de bagages avec soi, et nature des devises introduites. Ce que
j'ignorais, mais j'aurais pu m'en douter, c'est qu'il faut garder un exemplaire
sur les deux, dûment tamponné, pour le présenter à
la sortie du territoire. Cet oubli, favorisé par le douanier qui
s'est bien gardé de me le restituer, n'échappe pas à
notre gentille guide, Gulbara, qui nous attend après la zone sous
douane. Elle s'exprime dans un excellent français sans accent.
Les langues étrangères autres que le russe sont enseignées
dès le collège.
En tout, il manque une dizaine de formulaires. Gulbara réussit
à repasser en zone sous douane. Je l'accompagne avec la liste des
voyageurs du groupe. Il s'agit maintenant de récupérer les
formulaires manquants : un pagaille indescriptible règne dans les
papiers de douaniers. Un autre groupe de touristes est confronté
au même problème. Il faut pointer tous les formulaires abandonnés
éparpillés aux guichets de douane et ceux en main de Gulbara.
Tout se passe dan un calme irréel, jusqu'à ce qu'un douanier
s'énerve et nous chasse vertement. Il manque un seul formulaire,
dont le malheureux propriétaire devra annoncer à son départ
qu'il est venu les mains vides, et qu'il repart les mains vides.
Il a fallu deux heures pour en finir avec les formalités d'entrée.
Les bagages sont chargés sur des chariots. Notre bus nous attend
à 500 m car, soit disant, il y avait des embouteillages ce matin
(à 6 h !). En réalité, les abords de l'aéroport
sont interdits aux véhicules.
Il fait déjà bien chaud (30°) et la température
va tranquillement monter dans la journée pour culminer aux alentours
de 35-37°. C'est une chaleur sèche relativement supportable
à condition de prendre quelques précautions (ne pas s'exposer
au soleil, boire beaucoup d'eau, en bouteille évidemment, et ne
pas se fatiguer, courir, monter des marches trop vite etc.). Le ciel est
bleu, à peine altéré par des nuages filiformes de
haute altitude, genre cirrus.
Tachkent :
Tachkent, 2,5 millions d'habitants, capitale de l'Ouzbékistan,
est la première métropole de l'Asie Centrale. Les plus anciennes
références à cette cité datent du IIe siècle
av. J.-C. Elle a connu toutes les invasions et les caravanes, avant même
celles de la Route de la Soie. Elle est passée sous contrôle
russe n 1865 et a devancé la révolution bolchevique de 1917
de quelques jours en adoptant le régime communiste. Beaucoup de
colons russes et d'autres républiques soviétiques s'y sont
installées, attirés par le climat plus chaud que chez eux
et l'espoir d'affaires nouvelles.
Son nom est d'origine turque, témoignage de l'influence turque
dans cette région. Il se compose de " tach ", la pierre,
et " kent ", le pays, le lieu. Il est apparu au XIe siècle. Auparavant, la ville s'appelait " Tchan ", et
pour les Chinois, c'était Yoni.
Tachkent s'étire sur 28 km de long et autant de large, soit plus
que Paris et sa proche banlieue (départements 92, 93 et 94).
Tachkent a subi un tremblement de terre de 7,5 d'intensité, qui
a eu raison de ses vieux immeubles et des étroites ruelles adaptées
pour se protéger des fortes chaleurs de l'été (40°).
Cela se passait en 1966, à la période glorieuse de l'URSS.
85 % de la ville a été rasé.
Un grand élan de solidarité a contribué à
la reconstruction : les pays du bloc soviétique ont envoyé
des hommes et ont construit tel quartier auquel ils ont laissé
leur nom. Des logements sociaux à bas prix étaient accordés
aux nouveaux migrants.
Mais l'afflux d'étrangers a suscité des tensions et des
émeutes, vite mâtées, en 1969.
La
nouvelle Tachkent a respecté le modèle communiste : larges
avenues (6 voies au moins, sans compter les larges trottoirs, le terre
plein central quelque fois, et parfois aussi des contre allées
de 2 fois 2 voies), grands espaces verts, le tout complété
quelques années plus tard (1971) par un moyen de transport moderne,
le métro, capable de faire oublier les distances infernales. Tachkent
est une ville qu'on ne parcourt pas à pied, car les distances sont
trop grandes. On ne voit d'ailleurs pas beaucoup de piétons. Les
rares piétons s'engouffrent dans les stations de métro distantes
les unes des autres d'un bon kilomètre (ce n'est pas le maillage
parisien, où les stations sont très proches), ou bien guettent
une voiture à héler car ici les voitures privées
font office de taxi (pas pratique pour le voyageur étranger, mais
heureusement pour nous, nous avons notre car de tourisme). Le tarif d'une
course est de l'ordre d'un dollar (1200 soums), nous précise t-on.
Les
grandes avenues du socialisme ont gardé un lointain souvenir de
l'oasis qui permit à la ville de s'épanouir : les arbres
sont très présents, de grands platanes, des ailantes qui
se disséminent naturellement, des érables negundo, des frênes,
des sophoras, quelques albizzias qui déploient leurs fleurs semblables
à des pompons . J'ai aussi reconnu des mûriers dans les lieux
religieux, des orangers des osages qui portent leur fruit de fausse orange,
un très vieux chêne au Musée des arts décoratifs.
Et
pour rafraîchir l'atmosphère, des jets d'eau ont été
créés aux quatre coins de la ville.
Le plan de la ville se comprend assez simplement : un canal orienté
Nord-Sud, Ankhor, sépare la ville Ouest, la plus ancienne, de la
ville Est créée par les Russes dès leur arrivée
vers 1870. Les ministères et établissements publics y ont
leur siège. La ville se découpait en quartiers, ou Daha,
chacun doté autrefois d'édifices religieux (mosquée,
médersa) et d'un bazar. Le régime socialiste a d'abord tenté
d'annihiler la religion, détruisant les textes, les ouvrages, les
structures, les organisations (comme le système des otin, ces femmes
musulmanes pratiquantes de bon conseil), avant de restaurer les plus grands
édifices dont le gigantisme flattait l'esprit ambitieux des dirigeants
communistes.
Depuis l'occupation soviétique, l'islam a reculé. On dit
que 35 % de la population est musulmane, dont 80% de sunnites. Des mosquées
ont été rouvertes au culte, en général que
pour les hommes (mais il existe des mosquées pour les femmes) et
les non musulmans y sont admis.
Le quartier est lui-même redécoupé en mahala [mar-r
roulé -ala] qui est une forme associative, dirigée par un
responsable. Cette structure, assez proche des organisations communistes,
est antérieure et apporte, sinon une surveillance, du moins une
entraide. Par exemple lors de la fête annuelle du printemps, chacun
aide à des travaux communs, comme de repeindre le tronc des arbres
de chaux pour éviter la montée des insectes nuisibles, ou
le nettoyage des rues, ou la construction d'une maison chez le voisin.
Petit déjeuner :
Nous
démarrons notre journée avec un copieux petit déjeuner,
servi dans une maison privée. Les infrastructures pour le tourisme
sont insuffisantes. Aussi, les tours opérateurs contournent cette
difficulté en ayant recours à des particuliers qui proposent
hébergement ou repas chez eux. Je trouve cette formule sympathique
car on est mieux reçu chez un particulier qui met une touche personnelle
à satisfaire les clients que dans un grand hôtel, où
les serveurs sont blasés, pas souriants, pas agréables et
parfois roublards si l'occasion leur en est donnée. Je caricature
à peine.
Une
longue table nous reçoit tous : des petits plats contiennent des
cacahuètes enrobées de sucre, des amandes, des raisins secs
et ces accompagnement seront systématiques lors de nos repas. On
mange aussi des fruits (abricots, pommes) et une sorte de saucisson. On
boit du thé servi dans un service à motif traditionnel de
fleur de coton blanche sur fond bleu foncé. Ce motif est appelé
Paxtagul [pachtagoul]. On en verra au musée des arts décoratifs.
Ils sont en faïence en général. La tradition veut qu'on
offre un service à thé de ce type au mariage même
si on offre aussi, en fonction des moyens dont on dispose, un service
de porcelaine.
La maison ouzbek :
La
maison ouzbek est fermée sur l'extérieur. On aperçoit
un mur, souvent gris et un portail. Seul touche de gaieté : des
vignes qui poussent sur des fils. Une fois franchi le portail, on découvre
une cour ou un jardin et les fenêtres et ouvertures donnent sur
cette cour. La cuisine est parfois à côté de la maison.
Les toilettes sont souvent au fond du jardin. Ce sont des toilettes très
rudimentaires, munies d'une simple fosse, sans eau d'évacuation.
Même dans une belle maison, où il nous sera donné
le privilège de dîner un soir, à Samarkand, les toilettes,
pourtant carrelées, n'ont qu'une fente à la turque et pas
d'eau. J'ignore le procédé qui évite les odeurs nauséabondes
: cette maison de Samarkand est préservée d'odeurs, alors
que partout ailleurs, l'infection était telle que je me rends aux
toilettes en apnée. Heureusement ma pratique la plongée
et de l'apnée m'autorise plus de 2 minutes sans respirer !
Le jardin est souvent bien entretenu, à l'image d'ailleurs de tout
le pays : il faut signaler ici la grand propreté des rues, des
trottoirs qui font rougir le Français et le Parisien, tellement
nos espaces urbains en France sont sales et mal entretenus. Le jardin
ouzbek comprend quelques arbustes décoratifs (grenadiers à
fleurs doubles, reconnaissables à leurs fleurs rouges aux multiples
pétales) ou arbres de vergers (par exemple abricotiers).
Une petite estrade que nous reverrons souvent est couverte d'un tapis
: c'est le Tapchan. Les gens s'assoient en tailleur autour d'une table
basse au centre, se calant au dossier ou contre des coussins. Ils y sirotent
un thé ou jouent aux cartes.
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