Suite du récit de voyage en Ouzbékistan sous forme de Journal de voyage :
Khiva (page 5/5)
En
remontant la rue, on atteint, sur la gauche la Mosquée du Vendredi,
Juma Masjid.
De l'extérieur, rien ou presque, ne permet de deviner le caractère
grandiose de la mosquée. La monotonie d'un long mur aveugle est
interrompue par une imposante porte à deux battants, en bois finement
travaillé, et un minaret élancé de 33 m de haut.
L'intérieur est surprenant : 213 colonnes de bois sculpté
soutiennent le plafond de la mosquée. L'immense salle mesure 55
m de longueur et 45 m de largeur et pouvait recevoir 5.000 fidèles.
Elle me fait penser à la mosquée de Cordoue, sauf qu'à
Cordoue, les piliers sont en pierre. Les plus anciennes colonnes, 17 en
tout, datent des Xe et XIe siècles. Certaines colonnes, provenant
d'autres bâtiments, ont du être rallongées ou raccourcies.
Elles reposent sur une base de marbre sculpté, qui leur assure
une stabilité et les protège de l'humidité du sol.
Le sol était en terre battue et n'a été dallé
que récemment, en 1997, avec un financement de l'UNESCO, en l'honneur
du grand jubilé de la ville.
Les riches pèlerins ou les marchands venant en affaires à
Khiva offraient parfois à la mosquée une colonne sculptée
dans le style de leur ville, qui venait ainsi remplacer une autre colonne
trop âgée. L'un des piliers viendrait d'Inde.
Les chapiteaux qui supportent les poutres du plafond sont décorés
de symboles zoroastriens, de représentations de Bouddha, car la
religion des conquérants, se nourrissait d'apports des autres religions,
à moins que les artisans ne profitent de leur travail pour réincarner
des motifs ancestraux.
L'architecture de la mosquée Juma correspond au style archaïque
des premières mosquées qui étaient des lieux de rassemblement.
On y commentait le Coran, mais on y discutait aussi d'autres questions
relatives à l'organisation de la vie sociale des croyants. Le mihrab
est placé dans une cour, au centre de la salle, sous un rayon de
lumière. On plantait un mûrier pour assécher le sol.
Pour boucler notre visite, il reste le Palais Tash Khauli, le
" palais de pierre ".
Il a été construit de 1830 à 1841. 1000 esclaves
participèrent à sa construction. L'architecte du khan, Nurmuhamad
Tadjikhan, eut l'insolence de répondre au khan qu'il était
impossible de construire le palais en deux ans ; le jugeant incompétent,
le khan le fit empaler. Son successeur promit d'être plus rapide
: " un an et demi suffiront ", mais il mit tout de même
huit ans à achever l'ouvrage. A partir de 1841, le " palais
de pierre " devient la résidence principale du khan de Khiva,
à la place du Vieux Fort (Kunya Ark).
De l'extérieur, aucun indice ne permet d'imaginer la beauté
du Palais. Il y a deux portes, l'une à l'ouest, en face de la madrasa
Koutloug Mourad Inak qui donne sur une petite cour et un dédale
de salles en plein air, l'autre, au sud, étroite, qui débouche
directement sur la somptueuse cour du harem.
Le
harem, Ishrat Khauli, a été construit en premier,
de 1830 à 1834, et agrandi plus en 1837. Il se distribue des deux
côtés de la cour : à gauche, en rentrant, à
l'ouest donc, cinq hauts iwan à simple colonne font face à
une enfilade d'appartements. Les iwans se répartissaient entre
le khan et ses quatre épouses. Ils sont décorés de
majolique aux murs, du maître Abdullah Djinn, et de peintures aux
plafonds qui simulent des marqueteries (panjaras). Les autres femmes
choisies pour un soir ou plus ... étaient recluses à vie
dans le harem, ne pouvant ni sortir, ni se marier.
La partie publique du palais, Arz Khauli, comprenait la salle d'audience,
la salle du trône, le tribunal, les bâtiments administratifs
et les appartements royaux, en tout 163 pièces.
A droite en entrant dans le palais, un corridor mène vers la salle
d'audience. Le carrosse noir exposé au fond du couloir est un présent
de Nicolas II à son vassal Asfandiyar Khan. Celui-ci souffrait
d'une maladie honteuse et son médecin, qui devait tenir à
sa tête, lui aurait dit que la seule façon de se soigner
était de consommer de la pucelle... II avait l'habitude de circuler
en ville dans ce carrosse, que les habitants avaient surnommé "
la mort noire ". La salle d'audience est une cour carrée flanquée
au sud d'un iwan à une colonne aux décorations tout aussi
admirables que ceux du harem, toujours uvre d'Abdullah Djinn, le
génie qui réalisa également la décoration
du mausolée Pakhlavan Makhmoud. Deux emplacements pour des yourtes
permettaient de recevoir les invités.
Notre
visite s'arrête ici. La journée a été bien remplie
et nous allons pouvoir refaire le tour, tranquillement des différents
monuments. On fera des achats de belles poteries, peintes de bleu et de vert.
Faites en porcelaine, elles teintent comme des cloches. Je suppose qu'elles
sont suffisamment cuites, à des températures supérieures
à 1100 °C. Ce n'est pas toujours le cas pour les céramiques
et celles qui sont cuites à des températures moins élevées
sont très fragiles. On voit, en cas de choc, une cassure irrégulière.
La température élevée permet à l'argile et aux autres
composants de se structurer comme du verre. Je regrette que nous n'ayons pas
acheté davantage de céramique de Khiva car nous ne retrouverons
plus cette qualité ni la finesse du dessin par la suite.
On trouva aussi de drôles de marionnettes : les hommes sont hirsutes et
joufflus, les femmes habillées comme des paysannes. J'en achète
pour compléter ma famille de marionnettes de Java, de Birmanie,
Reste à monter au belvédère pour apercevoir la plus
belle vue de la ville, car le belvédère est à l'Est
et le soleil couchant éclaire merveilleusement le Fort au premier
plan, le haut portail bleu de la Madrasa Muhammad Rakhim Khan (1871),
au loin, la madrasa Allah Kouli (1835), immédiatement à
droite, le dôme bleu du mausolée de Pakhlavan-Makhmoud (1810)
et le minaret Islam Khodja, haut de 44,50 m (construit en 1910), puis,
à droite le minaret inachevé, Kalta Minor, et la madrasa
Mohammed Amin Khan (1851), enfin derrière moi, les remparts crénelés.
Nous nous retrouvons pour un "dîner traditionnel avec Vodka
chez l'habitant ", dans la vieille ville à côté
de la Madrasa Muhammad Rakhim Khan.
Comme chaque fois, les salades de tomates, concombres, aubergines, saupoudrées
d'herbes et d'épices (persil, aneth, coriandre,...), sont disposées
en petits plats en différents points de la table, accompagnées
de fruits secs dans des petites coupes (cacahuètes, noix, amandes
d'abricots, raisins secs)
La lumière reste superbe jusqu'à la tombée de la
nuit, vers 21h.
Fin de la visite de Khiva
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