Suite du récit de voyage en Ouzbékistan sous forme de Journal de voyage :
Khiva (page 4/5)
Une rue à gauche ouvre la perspective sur le minaret d'Islam Khodja.
Le
monument le plus célèbre de Khiva est sans doute le mausolée
de Pakhlavan-Makhmoud reconnaissable à sa grande coupole bleu
turquoise. Pakhlavan-Makhmoud (1247-1325) est le saint patron de la ville.
Un personnage hors du commun : fourreur de son état, il était
aussi un lutteur célèbre et un poète. Issu de la
tribu des Kungrad, il est considéré comme le maître
spirituel de la dynastie des Kungrad qui règne à partir
de 1804. Son tombeau fut construit à l'emplacement de son atelier
de fourreur. En 1702, un portail géant fut édifié
et en 1810, le mausolée fut agrandi pour recevoir les nombreux
pèlerins et englober le mausolée des khans kungrad. La coupole
bleu turquoise date de cette époque. Une khanaka fut également
construite pour accueillir les derviches, religieux musulmans de la confrérie
soufi.
Le haut portail conduit à une cour intérieure sur laquelle
donnent la khanaka, une mosquée d'été et des bâtiments
annexes qui abritent les tombeaux de la mère et du fils d'Isfandiyar
Khan. Dans la cour se trouve aussi un puits pour les ablutions. Les jeunes
mariées désirant un enfant viennent boire avant de faire
leurs prières.
Les
parois et la coupole sont entièrement revêtues de majoliques
réalisées par le fameux Abdoullah Djinn. Il fit des arabesques
végétales bleues et blanches dans lesquelles il inscrivit
des poésies de Pakhlavan Makhmoud. La tombe de Pakhlavan Makhmoud
se trouve dans une pièce attenante, située à gauche
de la grande salle. Les pèlerins viennent se recueillir devant
la grille ajourée qui protège le tombeau. Ils tiennent les
pieds en arrière, car il est impoli de les tourner vers le tombeau.
Un imam les attend dans la grande salle, pour prier. Il récite
un verset. Les pèlerins se couvrent le visage des deux mains et
font une offrande avant de se relever.
Nous terminons les visites du matin par la Madrasa et le Minaret Islam
Khodja.
La madrasa Islam Khodja a été bâtie en 1908. Seule la façade
présente deux niveaux afin de s'harmoniser avec le puissant minaret.
Le vizir Islam Khodja était un réformateur sous Isfandiyar Khan.
Comme on l'a vu plus haut, il tenta de moderniser le pays, mais fut assassiné
quand il tenta de réformer le système d'éducation. La madrasa
a le plan classique et abrite aujourd'hui le musée des Arts appliqués
où sont exposés boiseries, tapis, tentures... On fait le tour
de la madrasa par l'intérieur, en passant d'une cellule à l'autre.
Le
Minaret Islam Khodja est le plus haut minaret de Khiva (44,50 m). Il fut
construit en 1910. II s'agit d'une des dernières réalisations
architecturales islamiques en Asie centrale. Le minaret avait un triple
rôle: religieux (le muezzin appelle à la prière),
militaire (il constitue un poste d'observation) et celui d'être
un point de repère. Sa forme élancée et ses anneaux
colorés rétrécissant vers le sommet le feraient presque
paraître plus grand que le minaret Kalon de Boukhara qui est plus
haut de prés de 4 m.
Je décide de gravir les 120 marches. Le prix demandé est
aléatoire : d'abord 3.000 soums, finalement 2.000 soums. Les marches
sont vraiment très hautes et de surcroît, je monte dans l'obscurité
totale, à tâtons, en m'aidant des mains et en retenant mon
appareil photo sur le dos. Le lendemain, je garderai le cuisant souvenir
de cette montée avec des courbatures tenaces dans le genou droit.
Les dernières marches sont les plus dures. Le jour signale la délivrance
de ce calvaire. Et la vue sur la ville me récompense de cet effort.
Il fait même frais grâce au vent. De jeunes Ouzbeks se régalent
de la vue, fument et boivent du coca. Ils portent leur petit téléphone
portable comme tous les jeunes du monde entier, ou presque. C'est le lieu
à la mode, dirait-on. A force de patience, je finis par accéder
à une ouverture sur l'extérieur : je reconnais bien le mausolée
à coupole bleue. Cette visite d'en haut est plus intéressante
lorsque l'on connaît d'abord la ville d'en bas.
La pause du déjeuner a lieu dans une ancienne madrasa.
Entrée de salades de tomates et aubergines. La pastèque
se mange en entrée ou en dessert. Le plat principal est un plat
de mantys, spécialité ouighour de gros raviolis cuits
à la vapeur et fourrés à la viande de mouton et aux
oignons.
À la fin du repas, nous enchaînons les visites de l'après
midi :
La
porte de l'Est, construite entre 1806 et 1835, est appelée
Polvon Darvoza (ou Pahlavan Darvoza) ou "Porte géante",
en raison du long passage voûté à 6 coupoles. C'est
là que se tenait le marché aux esclaves. En retrait, dans
les niches aménagées de chaque côté du corridor,
les esclaves qui avaient tenté de s'évader étaient
enchaînés en attendant un sort fatal. En face de la porte,
les condamnés étaient battus ou mis à mort.
Les esclaves étaient des Russes, des Kazakhs, des Arméniens,
des Iraniens, des prisonniers politiques, ou des paysans trop pauvres
pour payer les impôts de l'irrigation (les champs étaient
irrigués par un tout un réseau entretenu par les services
du khanat et donc payants). Pour maintenir une main d'uvre servile,
on encourageait le mariage des esclaves et leurs enfants restaient au
service du maître. Les esclaves russes sont libérés
en 1840, sous la pression des Anglais (un émissaire déguisé
parvient jusqu'au khan), car sous prétexte de libérer leurs
compatriotes en esclavage, les Russes s'apprêtent à conquérir
la région. Sans ce prétexte, les Anglais espèrent
arrêter les velléités expansionnistes de Russes. L'armée
russe finit par envahir le pays en 1873 et abolit l'esclavage. Aujourd'hui,
il y a toujours un marché, à l'extérieur de la porte
Est, mais un marché de victuailles, fruits légumes et poissons
d'eau douce.
En 1835, l'oncle du Khan Allah Kouli (1825-42) - Allah s'écrit aussi
" Ala " et Kouli, " Quli "- meurt en dehors de la ville,
à Kungrad (d'où est originaire la dynastie) et où il était
le gouverneur. On ne peut pas faire rentrer un cercueil à Khiva. Le Khan
décide d'abattre le rempart et de faire passer le cercueil, en dehors
des Portes. A la place du rempart abattu, il fait construire, en 1835, un caravansérail
pour les commerçants. De nos jours, la tradition du commerce se perpétue
avec le échoppes des souvenirs pour touristes : voilages de soie, bracelets
de perles, et surtout de belles poteries.
Un caravansérail est un bâtiment qui accueille les marchands
et les pèlerins le long des routes et dans les villes. S'il est isolé,
il est fortifié. Il comporte des écuries (ou des enclos) pour
les montures et les bêtes de somme, des magasins pour les marchandises
et des chambres pour les gens de passage. Les magasins sont au rez-de-chaussée
et les chambres au premier étage. |
Pas
loin, la même année, le khan fait construire la madrasa qui porte
son nom. La madrasa d'Allah Kouli est d'un style qui s'affirmera à
Khiva : avec portail central décoré de majolique et, pour la première
fois, deux niveaux de cellules. Elle fait face à une autre madrasa
(photo à gauche), construite par le Khan Koutloug Mourad Inak (ou Qutlugh
Murad) en 1855 : on obtient ainsi deux madrasa jumelles qui se mettent
en valeur mutuellement.
Au passage, notre guide nous raconte une histoire moderne qui conviendrait à
Nasriddin Poja :
Nasriddin, sur le tard, décide de faire un pèlerinage à
la mecque. A l'aéroport, le douanier l'interroge car il a avec lui trois
grosses valises. Il dit " dans la première, j'ai des vêtements.
Dans la seconde, des conserves, car je n'ai pas assez d'argent pour m'aller
au restaurant. Et dans la troisième, il n'y a rien ". " Rien
? " interroge le douanier, " mais elle est très lourde ".
Il ouvre la valise, qui est pleine de vodka. Nasriddin s'explique : " Tu
vois, je suis vieux. Il faut tourner sept fois autour de la Kaaba. Je prendrai
de la vodka et c'est la Kaaba qui tournera autour de moi."
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