| Lundi 18 juin 2007 : Samarcande - Tachkent Nous visitons ce matin l'ensemble religieux Khodja Akhrar situé à environ 4 km du Registan, dans la campagne. Ensemble architectural Khodjà Akhrar. On visite d'abord la madrasa Nadir-Divanbeg, construite en 1622-30. Elle porte le même nom que celle de Boukhara située en face de la mosquée Kalon, car c'est Nadir-Divanbeg, vizir de Boukhara, qui a construit ces deux madrasas.
Nadir-Divanbeg a choisi le voisinage d'un lieu saint pour sa madrasa : la mosquée et le mausolée de Khodja Akhrar, soufi de la secte des Nakhshbandi qui fut un chef politique et spirituel de la fin du XVe siècle. Khodja Akhrar prêchait et enseignait dans les écoles soufies. On dit qu'il se déplaçait à cheval et ferrait son cheval de fers en or. Lorsque le fer se perdait, cela enrichissait celui qui le trouvait, de façon à répartir un peu de richesse au hasard. Khodja est une déformation du mot arabe " Haj " , devenu " Khouja " en turc et "khodja " dans les langues slaves. C'est le surnom attribué à celui qui s'est rendu en pèlerinage à La Mecque pour accomplir son devoir, le 5ème et dernier devoir qu'un musulman doit accomplir . À sa mort, son tombeau est devenu un sanctuaire. Encore aujourd'hui, les pèlerins viennent prier sur sa tombe.
Il y a aussi un minaret, de petite taille, rajouté en 1909. De là, nous reprenons le car pour la grande mosquée du vendredi : La Mosquée Bibi Khanum construite par Tamerlan à côté du grand marché du vendredi Nous pénétrons par le pishtak, le portail d'entrée, haut de 35 m. La gardienne du temple, assise dans une petite salle à gauche, collectionne les billets de soums qu'on lui remet pour pouvoir faire des photos.
C'est en 1399, que Tamerlan, de retour de campagne en Inde, décide de construire une grande mosquée pour la prière du vendredi, la Jama Masjid. Les meilleurs architectes et artisans du Khorasan, d'Azerbaïdjan ou d'Inde sont appelés sur le chantier de ce qui allait devenir la plus grande mosquée d'Asie centrale. Tamerlan pose la première pierre le jour le plus propice, le quatrième jour du Ramadan 801 (10 mai 1399). On raconte que quatre-vingt-quinze éléphants ont été ramenés d'Indoustan pour manouvrer les blocs de pierre. Mais Tamerlan part pour de nouvelles conquêtes en Asie Mineure, et ne revient à Samarcande qu'en juillet 1404 (sept mois avant de repartir et de périr). Selon Ruy Gonzalez de Clavijo, ambassadeur castillan présent à Samarcande en août 1404, Tamerlan, de retour d'Asie Mineure, jugea le portail trop bas et le fit démolir puis reconstruire. Les ouvriers durent se relayer jour et nuit. La légende veut qu'en l'absence de l'Émir, sa femme préférée, fille de l'empereur de Chine, Bibi Khanum ("princesse aînée" en turco-persan), de son vrai nom Saray Mulk Khanum, s'éprit de l'architecte, et que celui-ci soutira de la reine un baiser pour l'encourager à la tîche. Ce geste d'infidélité fut rapporté à Tamerlan qui entra dans une colère noire et ordonna à ses soldats de s'emparer de l'architecte. Informé, celui-ci eut juste le temps de s'enfuir : il escalada un minaret et s'envola vers la Perse. Bibi Khanoum n'ayant pas eu d'enfant éleva son beau-petit-fils Oulough Beg, le futur prince-astronome de Samarcande né en 1394, jusqu'à la mort de Tamerlan en 1405. Mais une légende dit que l'infidèle BibiKhanum fut précipitée du haut d'un autre minaret, et Tamerlan donna l'ordre que toutes les femmes portent le voile pour ne plus tenter les hommes lorsque leur mari est à la guerre. Depuis, la mosquée est connue sous le nom de Bibi Khanum. Tamerlan organisait des fêtes somptueuses, où la nourriture et le vin étaient distribués à profusion. Encore fallait-il attendre l'ordre du maître pour entamer les agapes. Quiconque était surpris en faute encourait la pendaison. Pour animer ces fêtes, on exécutait quelques personnes fautives, par exemple le gouverneur de Samarcande, accusé d'avoir opprimé le peuple pendant que Tamerlan guerroyait, ou deux hauts fonctionnaires chargés de la construction de la mosquée Bibi Khanoum qui avaient laissé les travaux déraper. On raconte qu'à peine terminée, la mosquée commençait à se dégrader. La précipitation des travaux y était sans doute pour quelque chose, les bombardements des Russes en 1868et les tremblements de terre (dont un en 1897) firent le reste. La mosquée a perdu ses galeries pavées de marbre, couvertes de 400 coupoles et soutenues par 400 colonnes de marbre qui entouraient la cour intérieure. Son plan s'apparentait à celui de la mosquée Kalon (130 m sur 80, capacité de 10.000 fidèles) que nous avons vue à Boukhara, ce qui permet d'imaginer ce que fut la grande mosquée d'Asie centrale (cela me fait penser à la grande église de Cluny, démolie après la Révolution, dont on peut voir une copie, moins grande, mais intéressante, la cathédrale d'Autun). Deux minarets de 50 m de haut se dressaient de chaque côté du pishtak d'entrée. Ils sont aujourd'hui tronqués et fissurés. Quatre autres minarets se trouvaient à chaque angle extérieur de la cour. Nous faisons le tour par la grande salle de prière : le sol est jonché de gravats qui se sont détachés du haut de la coupole. Mieux vaut ne pas s'y attarder. le dôme, fissuré, a perdu sa splendeur, qui faisait dire qu'il « serait unique s'il n'y avait les cieux, et unique serait le portail s'il n'y avait la voie lactée ». Tamerlan fit inscrire aussi « si vous doutez de notre force, regardez nos constructions ».
Il est difficile de s'arracher de ce bazar, d'abord parce qu'il est vivant, coloré, odorant et sympathique mais aussi parce qu'on peut y faire de bons achats d'épices, de noix de cajou ou, pourquoi pas, de tissus.
Nous déjeunons à l'hôtel. Cet après-midi, nous visiterons une cave, car on fait du vin depuis que les Grecs ont introduit la culture de la vigne ! En pleine ville, dans une rue calme, se trouve Khovrenko, une cave renommée dans toute l'Asie Centrale pour ses vins et ses Brandy. Elle a été fondée en 1868 par un commerçant russe, M. Filako. La vigne a été introduite par les Grecs, mais les musulmans l'arrachent au XIIe siècle. Chez les Sogdiens, on gardait une bouteille de vin à la naissance des enfants qu'on ouvrait à leur mariage. Les cépages actuels sont le sauvignon, le cabernet et l'aligoté (blanc bourguignon), le riesling et le muscat, importés d'Europe au XIXe siècle. Mais l'ensoleillement est fort et le raisin est très sucré (taux de 30% au lieu de 16% en Europe).En 1918, la cave est nationalisée. Son propriétaire prend la précaution de murer sa cave. On retrouvera bien plus tard, en 1967, 3670 bouteilles anciennes !
Nous arrivons à Tachkent à la nuit tombée. Le dîner d'adieu a lieu à la medersa "Abdoul Kasim" que nous avions visitée le premier jour, celle qui est à côté du palais de l'Assemblée. Une longue table est disposée dans la cour. Il fait sombre, mais l'éclairage suffit pour mettre en valeur les danseurs qui animent la soirée. Je regrette de ne pas avoir passé plus de temps à faire quelques emplettes : de boîtes en papier mîché et laquées, dont le prix, quand on a fait le tour du pays, est plus facile à apprécier qu'en arrivant en début du séjour. |
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