Le Procope

Un certain Francesco Procopio Dei Coltelli, Sicilien de Palerme, a l'idée, en 1674, d'ouvrir, un café rue de Tournon, non loin du Palais du Luxembourg où se presse tout ce que la capitale peut attirer d'Italiens affairés, de Médicis à Mazarin.

Notre Sicilien adopte la cause française et franchise son nom en François Procope des Couteaux.

Quelques années plus tard, en 1686, il se déplace rue des Fossés-Saint-Germain (l'actuelle rue de l'Ancienne Comédie). Le Procope demeure le plus vieux restaurant de Paris et premier café-glacier, mais au niveau européen, il est battu de 4 ans par le Florian de Venise.

Il est situé en face du Jeu de paume de l'Étoile, ce qui attire une nouvelle clientèle.
Catastrophe : la salle ferme en 1689 et emporte avec elle cette clientèle.

Mais la bonne étoile veille et les Comédiens Français convertissent le Jeu de Paume en théâtre. Entre deux représentations, le café devient le café du théâtre. Les critiques se pressent ainsi que les nouvellistes, avides de conter les bruits qui agitent la capitale. On affiche des nouvelles à côté du tuyau de poêle où il fait bon se réchauffer.

On y sert non seulement du café, du thé et du chocolat, boissons très à la mode, mais aussi des pâtisseries, des confitures de toutes sortes et surtout des boissons glacées et des sorbets, qui s'orthographiaient alors "shorbet", d'après le terme arabe.
Mais comment faisait-on le sorbet : écoutons M. de La Quintinie nous en dévoiler la méthode :
" Le sel ordinaire, appliqué autour d'un vase rempli de liqueur et entouré de glace, a la propriété de congeler cette liqueur. C'est ainsi que l'industrie des bons officiers (de bouche) a trouvé le moyen de faire, pendant les plus ardentes chaleurs de la canicule, toutes les différentes manières de neiges artificielles et rafraîchissantes si délicieuses ".
Pour disposer de glace toute l'année, on l'entreposait durant l'hiver, dans de grandes fosses creusées, empierrées et enterrées que l'on appelait, d'ailleurs, "glacières". Ainsi isolée, elle se conservait sans trop de dommage jusqu'au coeur de l'été.

Les femmes ne sont pas admises dans l'établissement et les belles du Monde se font livrer la précieuse boisson à leur carrosse (comme quoi, les drive-in et autres Mac Do n'ont rien inventé).

Le Procope devient en fait le premier café littéraire. Les écrivains s'y attablent, tels Jean de La Fontaine, Voltaire, Rousseau, rejoints par les hommes politiques comme Beaumarchais. Montesquieu écrit, dès 1721:
"Si j'étais le souverain de ce pays, je fermerais les cafés; car ceux qui fréquentent ces endroits s'y échauffent fâcheusement la cervelle. J'aimerais mieux les voir s'enivrer dans les cabarets. Au moins ne feraient-ils de mal qu'à eux-mêmes, tandis que l'ivresse que leur verse le café les rend dangereux pour l'avenir du pays".
Les idées libérales y prennent leur essor, Diderot et d'Alembert et imaginent l'Encyclopédie pour divulguer le savoir du monde. Benjamin Franklin, avant de partir libérer l'Amérique y tient salon.
Pendant la Révolution, Robespierre, Danton, Marat, Legendre, Desmoulins, Fabre d'Églantine s'y réunissent, et le lieutenant Bonaparte y aurait laissé son chapeau en gage.

Plus tard, on croise Balzac, Verlaine, Anatole France.