Le Palais du Luxembourg
Quand les Chartreux s'y installent en 1257, ce lieu de verdure était
un endroit mal famé à tel point qu'on le considérait
comme maléfique.
Marie de Médicis est arrivée en France
en 1601 pour épouser le roi Henri IV. Elle n'est pas spécialement
intelligente, dit-on, mais cultivée. Le roi la loge au Louvre,
qu'elle n'apprécie guère. Elle rêve d'avoir son propre
palais de style italien. Quand le roi est assassiné, le 13 mai
1610, elle se retrouve régente, car le futur roi, louis XIII n'a
que 9 ans. Marie de Médicis peut enfin réaliser son rêve
: en 1612, elle achète trois hôtels au-dessus du carrefour
de l'Odéon, car des amis italiens habitent à côté
et notamment les Concini. Un de ces hôtels est celui du Maréchal
Pinay de Luxembourg et c'est par ce nom que restera connu le Palais de
Marie et non pas Palais Médicis. On ne peut pas dire que les Parisiens
l'apprécient tellement.
Elle confie à l'architecte Salomon de Brosse, fils de Jean de Brosse,
architecte, et neveu de Du Cerceau, un autre architecte, le soin de réaliser
un Palais de style italien : celui-ci ne s'est jamais rendu en Italie,
mais il se fait adresser des vues du Palais Pitti. Les travaux débutent
en 1615. La reine s'installe en 1625 alors que les travaux ne sont pas
achevés. Qu'importe ! Le Palais est terminé en 1630. Las,
6 mois plus tard, la reine est exilée par son propre fils, le roi
Louis XIII, à l'issue d'une journée que l'histoire retiendra
comme la Journée des Dupes :
Ce même intrigant de Concini a introduit à la cour le Cardinal
Richelieu, évêque de Luçon. Celui-ci est conseiller
de la régente Marie de Médicis et Surintendant de sa maison,
avant d'entrer au Conseil du Roi. Richelieu exerce la réalité
du pouvoir et prend un grand ascendant sur le jeune Louis XIII qui le
nomme ministre d'État en 1629. Marie de Médicis et son entourage
avaient favorisé l'entrée de Richelieu au ministère
dans l'espoir qu'il serait l'instrument de la politique catholique. Louis
XIII l'éloigne à sa majorité mais il le rappelle
trois ans plus tard. A partir de ce moment, le Cardinal se rallie à
la cause du Roi et tente de rétablir l'autorité royale contre
l'influence des Grands, rompus à toutes les intrigues de cour.
Louis XIII accorde aux Protestants la paix de la Grâce d'Alais et
s'engage dans la lutte contre les Habsbourg, ce qui exaspère la
clique de Marie de Médicis. Elle s'efforce de faire renvoyer le
Cardinal. Pendant l'expédition d'Italie, puis durant la maladie
du roi en septembre 1630 à Lyon, la situation empire. Les deux
reines, Marie de Médicis, la mère, et Anne d'Autriche, l'épouse
du Roi, harcèlent Louis XIII. Elles finissent par lui arracher
la promesse de renvoyer Richelieu lorsque la cour reviendra à Paris.
Le 10 novembre 1630, Marie de Médicis fait mander en son palais
du Luxembourg son fils Louis XIII et lui demande la disgrâce du
cardinal. Celui-ci apparaît, elle l'injurie. Bouleversé,
le roi se retire sans un regard pour son ministre. Richelieu se croit
perdu. Les Grands se pressent vers la reine, convaincus qu'elle vient
de l'emporter.
Le lendemain, le roi convoque le cardinal dans son pavillon de chasse
de Versailles. Le cardinal se jette aux pieds du roi. Coup de théâtre
: le roi le relève et le prie de rester. Leur entrevue dure quatre
heures. Finalement, c'est à la reine, sa propre mère, que
le roi ordonne de prendre le chemin de l'exil. Avant que sa mère
ne parte, le roi lui dit à propos de Richelieu : " C'est le
plus grand serviteur que jamais la France ait eu. " On a appelé
depuis cette journée la "Journée des Dupes".
Marie de Médicis quitte Paris pour le château de Compiègne
puis la Belgique puis à Cologne où elle meurt en 1642 sans
avoir revu son fils.
Le Palais abandonné
Gaston duc d'Orléans,
frère de Louis XIII, en hérite, mais ne l'habite pas. Gaston
a souvent comploté contre son frère, le roi, mais la Journée
des Dupes est aussi l'occasion de la réconciliation. Pas pour longtemps
: la rupture est définitive un mois plus tard et Gaston s'enfuit,
laissant le Palais à sa femme, Marie de Bourbon-Montpensier, et
sa fille qui se fera appeler la Grande Mademoiselle. Madame habite l'aile
Ouest, la Grande Mademoiselle l'aile Est. Elle aussi complote contre le
pouvoir, connaît la disgrâce et l'exil et habite peu son Palais.
Les Orléans accueillent d'autres familles, car le Palais est vaste.
Puis tout ce monde est chassé au profit de la seule duchesse de
Berry, la scandaleuse, qui fait édifier en 1715 un mur autour des
jardins pour pouvoir se promener nue le soir avec ses amants. Elle meurt
jeune et à nouveau des squatters occupent le palais. On compte
une cinquantaine de familles. On monte des cloisons, on perce des cheminées.
Mais le Palais se dégrade. Les toitures fuient, les plafonds ne
tiennent que grâce à des étais.
Louis XVI reçoit le palais en apanage, en 1778, et le cède
à son frère, le comte de Provence. Il se lance dans de grands
travaux de rénovation : il chasse les occupants et vend des terrains
pour financer les travaux. Le chantier démarre en pleine période
de troubles, en 1789. En 1792, le comte de Provence s'enfuit du Luxembourg,
la même nuit que le roi. Mais lui ne sera pas arrêté.
Il réussira à gagner la Belgique. La Révolution transforme
le Palais en prison. Le peintre portraitiste David est un des locataires
: de sa fenêtre, il peint le seul paysage de son oeuvre.
Bonaparte arrive au pouvoir et donne au palais une destination nouvelle
qu'il conserve de nos jours, comme siège du gouvernement ou d'assemblées.
D'abord, c'est le Directoire qui s'y installe, puis le Consulat, puis
le nouveau Sénat, en 1804. Le bâtiment est entièrement
refait par l'architecte Chalgrin pour aménager une salle des séances
capable d'accueillir les 80 sénateurs mais aussi des salles pour
les commissions, des bureaux pour l'administration, une bibliothèque.
1815 sonne la fin de l'Empire. Louis XVIII créé la Chambre
des Pairs. Le nombre des pairs augmente de 150 environ sous la Restauration
à 271 sous la Monarchie de Juillet. En 1834, le Palais est à
nouveau agrandi. Alphonse de Gisors, nouvel architecte, repousse le mur
du fond, côté jardin, de 31m vers le jardin, tout en respectant
le style Renaissance de Salomon de Brosse. La physionomie actuelle du
Palais date de cette époque.
1851 voit la revanche des bonapartistes et la Chambre des Pairs redevient
Sénat.
La visite :
Le palais a été disposé en haut d'une rue et de façon
bien visible, ce qui n'était pas dans les habitudes si l'on se
réfère aux hôtels particuliers du Marais. Le hall
donnait accès à un escalier pour monter à l'étage
noble. Cet escalier a été supprimé lors des travaux
de 1804. Le hall lui aussi a été refait, en style gréco-romain.
C'est l'époque de la nouvelle Athènes, au-dessus de l'actuelle
église de la Trinité (qui n'existe pas encore à cette
époque).
Sur la gauche, la pièce du livre des Pairs de France est sans doute
la plus agréablement décorée : c'est là que
se déroulait la cérémonie d'investiture. L'architecte
Provot a réutilisé des éléments de décoration
du Louvre et de l'ancien Palais de Marie de Médicis, donc du 17è
siècle. Les murs sont ceux d'une salle de bains d'Anne d'Autriche,
tandis que le plafond provient du cabinet de travail de Marie de Médicis.
La peinture centrale du plafond montre la reine assise sur son trône,
recevant le faisceau de flèches, en signe de paix retrouvée.
Jolie propagande ! De part et d'autre, huit femmes savantes honorent leur
sexe.
Derrière le hall d'entrée, dans l'aile entièrement
construite en 1834 se trouve le vaste hémicycle du Sénat
: on remarque en entrant les hautes statues des législateurs qui
semblent présider aux séances : Molé, Malesherbes,
Portalis. Richelieu est placé sur un côté. Dieu sait
le rôle qu'il joua en ce Palais. De part et d'autre, de grandes
fresques historiques, dignes de Puvis de Chavannes sont le reflet de la
mode historisante du XIXe siècle avec des scènes
de Philippe le long et Louis XII.
Pour la petite histoire, les coussins des fauteuils ont deux faces, une
pour l'hiver, chaude, et une fraîche pour l'été !
de plus, les fauteuils ont été faits sur mesure pour les
Pairs de France. De telle sorte qu'ils épousent des largeurs de
fessiers diverses, qui sont bien utiles encore de nos jours.
En sortant de l'hémicycle, à l'étage, on trouve deux
grandes salles en longueur : la salle des bustes qui correspond à
l'ancienne terrasse du palais de Marie de Médicis et la salle du
trône, immense : les lambris dorés encadrent des peintures
pompeuses dignes de l'opéra. Cette salle a été refaite
sous Napoléon III.
Au bout, donc à l'ouest, se trouvaient les appartements de la Reine.
Ils ont été entièrement refaits. Le premier salon
était l'antichambre où se déroula l'entrevue du 10
novembre 1630. Puis vient l'ancienne chambre de la reine, décorée
au plafond d'une Aurore attelée à des chevaux, puis sa galerie
d'art, où elle exposait avec fierté ses tableaux, sculptures,
meubles. Le Normand de Tournemine ouvra cette galerie au public et en
fit le premier musée, bien avant le Louvre. On y voyait la fameuse
série de tableaux peints par Rubens en l'honneur de la reine. Ils
sont aujourd'hui au Louvre.
Cette galerie fut démolie pour laisser passer l'escalier, à
une rampe, large et majestueux. Des lionnes, dans le goût égyptien,
sont de chaque côté, assez discrètes, je dois dire,
car je ne les avais pas remarquées. Les uvres du musée
furent exposées dans une aile en face, puis en 1886 dans lOrangerie
et en 1937, de lautre côté de la Seine, au Jeu de paume.
Comment fonctionne le Sénat ?
Le Sénat est une véritable administration : pour assister
les 321 Sénateurs, ce ne sont pas moins de 1230 fonctionnaires
permanents. Ainsi, chaque sénateur dispose de deux assistants,
au maximum, pour l'organisation de son travail. Les questeurs sont responsables
du bon déroulement des débats. Le Sénat possède
son propre service d'entretien du mobilier (qui est pourtant "national"
mais pas géré par le Mobilier National) et on nous affirme
que tous les meubles sont en double de manière à pouvoir
les remplacer instantanément le temps de la réparation.
Les sénateurs sont élus parmi des élus locaux (on
est par exemple sénateur-maire), par ceux-ci (pas de scrutin direct).
Il faut en quelque sorte avoir fait ses preuves dans la politique, c'est
pourquoi on est rarement sénateur à moins de 40 ans. La
moyenne d'âge est de 60 ans. Le renouvellement se fait par tiers,
tous les 3 ans, de telle sorte que le mandat dure 9 ans.
Les projets de lois sont présentés au Sénat après
une première lecture à l'Assemblée nationale. Ils
sont examinés d'abord par des commissions ad-hoc, par exemple la
Commission des Travaux Publics. Il y a approximativement autant de commissions
que de ministères. Chacune est dotée d'experts qui préparent
le travail. Les conclusions sont débattues par les Sénateurs
de la Commission avant d'être présentées pour entérinement
à l'Assemblée. Le passage en assemblée n'est qu'une
forme. Le votes se font rarement à bulletin secret et le plus souvent
à main levée, ou "assis-debout".
Les séances ont lieu le mardi, le mercredi et le jeudi. Faut bien
que ces messieurs, sénateurs maires voient leurs ouailles avant
et après le week-end ! Les séances démarrent à
9h et finissent parfois tard dans la nuit. Les sénateurs suivent
les débats de leur bureau, sur des écrans de télévision
depuis qu'un réseau interne retransmet tout ce qui se passe. Ceci
leur permet de se rendre en salle au moment qui leur convient.
PY Landouer, mai 2003
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