En arrivant lundi sur lîle de Don Det, jai vu fleurir les
affiches proposant des voyages en « mini-bus climatisé »
vers le Cambodge. Comme mon voyage au Laos se termine aux îles où
je suis censé me reposer, dans des conditions de confort réduites
(pas délectricité, pas deau courante, bungalow sommaire)
et comme la ville de Paksé ma laissé une mauvaise impression,
je me décide à utiliser mon temps restant jusquà
mon retour dimanche pour Paris depuis Bangkok, pour visiter le Cambodge.
Seul problème : ma valise est restée à Paksé,
car je voulais voyager léger dans le Sud. Heureusement jai laissé
ma valise à lhôtel Lankham (chambres bruyantes sur la rue
et dun confort désuet, personnel peu serviable) qui est juste à
côté de lagence de voyage Lan Xang avec laquelle jai
fait le trajet vers Champassak dimanche, puis le trajet vers les îles
lundi. Le représentant de lagence Lan Xang à Don Det veut
bien se charger de faire venir ma valise mardi. Expliquer cela à la réception
de lhôtel relève de la mission impossible : au téléphone,
le réceptionniste me parle dune valise verte et il pense que je
lai oubliée. Ma valise est bleue et je lai confiée
au bureau en expliquant que je reviendrai la chercher dans quelques jours. Jusquau
lendemain mardi, je douterai que le retour de ma valise puisse se faire.
Pour tout compliquer, je prévois de visiter les cascades du Mékong
mardi matin et ne serai pas présent pour recevoir ma valise. Mardi, le
départ pour les cascades est retardé car lagence a donné
comme heure de rendez-vous « 10-11h ». Donner une fourchette
dhoraire na pas de sens ! Aussi certains participants ont interprété
« 11h ». Trop prudent, jarrive à 10h et jattends
donc une heure au café dà côté, avec vue sur
un bras du Mékong. Il faut beau, donc tout va bien. Traversée
du bras du Mékong en 5 minutes. Arrivée sur la berge en terre.
Remontée au milieu des boutiques. Soudain, japerçois le
petit car de la veille. Il est à peu près à la même
heure quhier. Je vais pouvoir récupérer ma valise !
Elle est bien là. Ouf. Je la confie cette fois au mini-bus qui nous emmène
aux cascades, à une dizaine de kilomètres au sud. Il faut dabord
rejoindre la route nationale en empruntant la piste toute déformée.
La route nationale est large et déserte. La visite des cascades est inoubliable :
leau se déverse en plusieurs chutes, lune centrale, large
et puissante, les autres à la périphérie, dun moindre
débit, accessibles en escaladant les rochers. Je me baigne sous une de
ces chutes, en recevant les paquets deau sur les épaules.
Mercredi 6 décembre
Je rejoins à 8h lagence de voyage Lan Xang qui ma vendu le
billet. Les voyageurs chargés de sacs arrivent par petits groupes. Certains
vont à Paksé, au nord, dautres, au Cambodge. En tout une
quinzaine de voyageurs se rendent au Cambodge.
On nous fait monter par petits groupes de 3-4 sur les frêles barques pour
traverser le bras du Mékong. Il y a toujours un touriste naïf qui
met le pied sur le bord et manque de nous faire chavirer. Ces barques à
fond arrondi sont très instables au roulis. Elles sont faites pour fendre
leau. Dans dautres contrées, par exemple en Indonésie,
elles sont stabilisées par des balanciers. Il faut toujours poser le
pied au fond, au centre. De plus, le centre de gravité monte brusquement
dès quon est debout, raison de plus pour poser le pied bien au
milieu. En venant, un touriste a mis le pied sur le bord : son sac à
dos la fait tomber car il a perdu léquilibre dans le mouvement
de roulis brutal quil a déclenché. Son sac a plongé
dans leau
.
Une fois le bras du Mékong franchi, en quelques minutes, nous atteignons
le point de départ des minibus qui nous conduirons jusquà
la frontière. Lun des deux mini-bus refuse de démarrer :
il faut le pousser !
Au moment de partir, à 9h, je réalise soudain que jai laissé
sous le matelas les bijoux achetés pour L*. Javais vidé
mon sac à dos pour la visite des petites cascades Lipi, sur le bord de
lîle au sud de Don Det. Je pensais me baigner, comme lavait
suggéré lagence, par erreur. Il ny a pas dendroit
paisible pour se baigner. Tout au plus peut-on se blottir sur des rochers sous
un déversement à faible débit. Je trouve un tel endroit
et mon sac est en sécurité à lécart des visiteurs.
Je me méfie plus des touristes routards, un peu fauchés, que des
Laotiens.
En rentrant le soir, bien que la chambre soit un peu éclairée
(le groupe électrogène fonctionne de 18h à 20h), je nai
pas récupéré les bijoux. Le matelas est en plusieurs éléments
et javais dispersé les objets cachés. Donc, mercredi, 9h,
prêt à partir, je réalise mon oubli. Je décide de
retourner sur lîle de Don Det en prétextant que jai
oublié mon passeport. Le chauffeur refuse, affirme quil va partir
sans moi. Je fonce aux bateaux, en trouve un prêt à membarquer.
Il me réclame 2 dollars au retour. Cest beaucoup,
. Mais
je suis dans une situation où il est difficile de refuser. La traversée
est rapide, sauf à larrivée pour accoster. Le pilote coupe
le moteur et laisse la barque continuer sur son aire. Secondes interminables
où je me prépare à sauter à leau. Comme un
fou, je cours vers lagence, explique que jai oublié mon passeport
(second mensonge), lui laisse mon sac à dos assez lourd et cours sur
près dun kilomètre jusquau bungalow. Bungalow en vue
trouverai-je les bijoux dans leur étui rouge ? Trois marches à
monter. Ma chambre. Le lit est fait avec un drap propre. Les bijoux sont là !!
Je redescends rassuré. Le propriétaire et sa femme sourient. Ils
sont honnêtes et japprécie. Je lui emprunte un vélo
que je laisserai à lagence. Je fonce en vélo sur le chemin
de terre étroit. Laisse le vélo à lagence reprend
mon sac, dévale la berge sableuse, paye à ce moment les 2 dollars.
La femme du pilote fait la tête. Elle sattendait à plus,
mais je ne comprends pas son chiffre, sauf le mot « sip »
qui veut dire dizaine (et 10.000 kips, cest un dollar). On repart, vite,
et on arrive doucement. Nouvelle course. Je croise les doigts. Le bus est-il
resté mattendre ? Le bus est parti. Le responsable mexplique
quon va memmener au poste frontière en moto. Je réaliserai
plus tard quau delà des 3 Km de piste jusquà la route
nationale, et des 18 Km de bonne route, il y a une mauvaise piste jusquau
poste frontière. Le chauffeur de la moto prend son petit déjeuner,
tranquillement. Je mimpatiente inutilement. Je verrai plus tard quil
travaille au poste frontière. Je men suis un peu douté,
car il porte une sacoche.
Nous partons à 9h20. En moto, on passe plus facilement sur les pistes
quun mini-bus. Sur la route, le chauffeur roule très vite et je
me blottis derrière lui pour limiter la prise au vent, en espérant
quon ne se renversera pas
. La route est déserte et nous passons
à côté dune seule zone à peine habitée.
Sur la piste étroite, ombragée et pleine de trous remplis deau
(de lorage de la veille), nous apercevons le mini-bus qui dodeline comme
un escargot au gré des ondulations de la route. Je peux donc le rejoindre.
Passage de la frontière : dun côté, on se fait
tamponner le passeport pour la sortie du Laos, moyennant 1 dollar (il faut toujours
avoir des billets de dollars avec soi !), de lautre, on se fait faire
un visa pour 21 dollars, en fournissant une photo didentité. Puis
on refait la queue pour obtenir le tampon dentrée au Cambodge,
moyennant un second formulaire et encore un dollar. Je verrai en quittant le
Cambodge un étranger qui a refusé de payer un dollar et na
pas eu son tampon dentrée : il aura quelques difficultés
à sortir du pays. Dautres minibus nous attendent, plus modernes.
Le poste frontière est en pleine forêt. Côté Laos,
la piste est dans un état lamentable. Côté Cambodge, une
large route goudronnée nous accueille. Par endroits, elle perd son revêtement,
mis elle garde un bon nivellement et nous roulons à vive allure.
12 h : arrivée au bord du Sékong, à lembouchure
du Mékong. Accueil par un responsable dagence, plutôt aimable,
qui me donne quelques explications sur lendroit, et une femme qui porte
des gants blancs (on en voit au Cambodge). Steng Trung est en face. En attendant
le bateau pour la traversée, je découvre les visages tout ronds
et souriants du Cambodge. Un gamin adorable fait de la balançoire avec
son hamac, la tête à lenvers. Les joueurs de billard sont
fiers de se faire photographier.
Nous traversons le fleuve à bord dun bateau à deux bancs
latéraux. Deux motos attendent leur tour et vont se poser à lavant.
Un ferry fonctionne et sera mis à la retraite en 2007, car un grand pont
est en construction par une entreprise chinoise.
Steng Trung est une petite ville. Un jardin de buissons taillés longe
la berge. Un banian sacré domine la berge fièrement, le pied composé
de plusieurs troncs accolés comme des colonnettes et orné de bougies
et doffrandes de fleurs. Nest-il pas larbre sacré au
pied du quel Bouddha atteignit le nirvana ? On nous annonce que le bus
part à 13h ce qui laisse le temps de changer un peu dargent en
riels, ou de déjeuner. Jachète des oranges
infectes,
(1,5 dollar le sachet de 7 oranges, alors quà Luang Prabang javais
eu 3 belles oranges juteuses pour 1/10 dollar). Je vais à gauche, à
droite, à laffût de quelque scène intéressante
comme ce marchand de sirop de canne qui broie les tronçons de canne à
sucre dans une essoreuse à tambours. Une table pliante et des tabourets
en plastique rouge attendent le client. Les visages sont souriants et mon passage
me vaut des « hello, good morning ». Il fait très
beau, ciel bleu très pur, et chaud. Japprécie lombre
des rares arbres. Un groupe de palmiers se dresse comme des soldats. Sur le
tronc est fixée une échelle faite dune tige de bambou. Les
départs alternés de branches sont restés fixés pour
poser le pied du grimpeur. On récolte les fleurs de ce palmier.
La ville est calme et endormie. Les commerces se limitent à des marchands
de motos, de ferrailles, de ferronnerie. Je ne trouve pas dautre café
ni restaurant que celui où on nous fait attendre. Un hôtel est
largement ouvert sur la rue. Le hall est carrelé et des meubles solides
en teck vernis donnent une belle impression. Je retourne à notre restaurant
pour prendre un café. Une gamine adorable me fait de beaux sourires et
prend la pose avec amusement. Les autres touristes du car sont restés
groupés, comme sils avaient peur de saventurer. Comment feront-ils
une fois abandonnés à leur gré ? Des contacts se nouent
entre eux. Les deux jeunes filles indépendantes ont fait connaissance :
elles sont flamandes. Un homme de la soixantaine, chevelure grise et ventre
ballonné, voyage avec une toute jeune fille laotienne, très timide,
qui ne dit pas un mot. Elle en parle pas langlais, ni le français.
Elle est équipée pour ce voyage dun sac à dos tout
neuf. Son rêve dunion avec un « farang » prend
forme
Est-elle heureuse pour autant ? Je lignore. Pour le moment,
elle déjeune comme peu de Laotiens en ont le loisir. Notre homme est
rejoint par une connaissance qui lui parle en français. Ils partent ensemble.
A 13h, nous montons dans le car surchauffé, car il resté au soleil.
La route est alternativement excellente, bituminée, et en simple piste
qui sévapore en poussière. La circulation est faible. Le
car ralentit à chaque attelage de bufs. Dans dautres régions
du Cambodge, les charrois ont une piste en herbe, parallèle à
la route. Le chauffeur joue avec son klaxon dès quil aperçoit
un animal qui vagabonde, un chien qui sétire, une vache errante,
ou un vélo. Il garde la main sur le klaxon, prêt à dégainer
comme dans les jeux télévisés. Il peut même enfoncer
le klaxon cinq fois de suite. Heureusement le trafic est infime et les villages
rares.
Nous rejoignons Kratie, au bord du Mékong en 2 heures.
Ville calme et élégante qui sétire le long du fleuve
très large. Je profite de la halte pour photographier les pêcheurs
en barque. Ils utilisent un filet tenu par deux manches. Le filet est triangulaire.
On le relève comme une cuiller.
La halte se prolonge car il faut changer un pneu totalement lisse. Ce genre
de maintenance pourrait être fait en dehors des horaires de voyage !
Cest pareil pour le plein de carburant : on le fait avec tous les
passagers à bord ! Aussi bien au Laos quau Cambodge.
Nous repartons sans avoir aperçu les fameux dauphins irrawady qui vivent
dans le Mékong.
La route de Kompong Cham fait une grande boucle à lintérieur
des terres. Plus le soleil décline, plus la circulation sintensifie,
et plus le chauffeur actionne son klaxon. Il hurle aussi dans les virages, au
cas où
Boules Quies de rigueur. Je finirai par quitter ma place
à lavant, trop sonore. Les villageois ont lhabitude. Le cycliste
continue son chemin, le gamin assis au bord de la route ignore la sirène
agressive.
La campagne est plate. Les plantations dhévéa datant de
la colonisation se reconnaissent aux godets fixés au bas du tronc. Les
arbres sont jeunes, de 5 mètres de hauteur, au tronc mince.
Nous arrivons à Kompong Cham à la nuit tombée. Le pont
qui franchit le Mékong se repère de loin avec sa guirlande de
lampadaires qui dessine une silhouette bombée. Avant de franchir le Mékong,
je remarque les restaurants cossus, décorés comme des arbres de
Noël. Quelques voitures récentes sont garées. Jimagine
les filles qui font la promotion des bières Angkor Beer, Tiger Beer et
autres. Elles sont vigilantes à remplir les verres à peine entamés,
de telle sorte que la bière se réchauffe sûrement dans le
verre
A larrivée du car, on mappelle par mon nom. En effet lagent
qui nous a reçu à Steng Trung ma parlé dun
chauffeur de taxi-moto qui parle français et qui peut me prendre en charge.
Ce charmant M. Vannath est là pour me prendre. Il dispose dune
moto qui tracte une petite carriole. Ce genre de véhicule sest
beaucoup développé depuis ma dernière visite au Cambodge
qui remonte à 2003. Me voilà donc avec ma valise posée
à lavant de la carriole en direction de lhôtel Mékong.
Prix : 10 dollars pour une chambre vaste, propre et climatisée.
Je découvrirai demain matin la vue sur le soleil levant et le Mékong.
Derrière lhôtel, se pressent des résidus de bordels ;
enfin ce quil my paraît car les masseuses annoncent tous les
prix et les prestations correspondantes. Je préfère dîner,
car il est tard. Jai le choix entre un restaurant qui accueille des touristes
et jentends parler français ou un restaurant local, à langle
de rues, qui a une tablée de Cambodgiens. Ce dernier choix savère
catastrophique : dabord le restaurant est sur le point de fermer
(à seulement 20h30), la tablée nest autre que le personnel
et la famille du restaurant et surtout les plats sont infects : le poisson
en soupe est découpé au couteau, mêlant arrêtes, peau
visqueuse et chairs, et le poulet a été tronçonné
au couteau et chaque bouchée est emplie de petits os.
Quand je repasse dans la zone joyeuse et mal éclairée de la ville,
les hôtesses rentrent chez elles et les rideaux métalliques se
tirent. Des Cambodgiens en mal de relation humaine sont postés devant
des téléviseurs qui diffusent un match de football. Malgré
la nuit sombre, je remarque des amas dimmondices. La ville présente
un visage assez sordide. Il est loin le temps où Kompong Cham servait
détape sur la route du Nord et celle du Vietnam. Les routes se
sont améliorées, de telle sorte que les trajets sont moins longs
et il est possible de rallier le nord en une journée depuis Phnom Penh
sans sarrêter dormir à Kompong Cham. Le pont construit par
les Japonais sur la Mékong a renvoyé à la ferraille les
vieux ferries (Kompong signifie "port" ) et la route a remplacé
la voie fluviale vers le Nord (Kratie et Steng Trung).
Dans le temps, Kompong Cham vivait joyeusement de tous ces passagers et un dancing
bruissait dans lhôtel Mékong. Il a été fermé
en 2003.
Jeudi 7 décembre 2006
Lever à 6h pour voir le lever de soleil sur le Mékong. Il fait
très beau. Il a beaucoup plu cette nuit, des trombes deau. Il paraît
quun typhon a balayé les Philippines et la côte vietnamienne,
chassant les nuages dans cette région normalement épargnée
par la pluie. Je descends sur la berge pour observer les barques de pécheurs.
Elles évoluent lentement, tandis que le pêcheur guette ses proies.
Parfois la famille vit à bord et se replie la nuit tombée sous
un abri de bambou à larrière.
Les véhicules convergent vers le marché et my conduisent
rapidement : le marché est en béton, comme ceux de Phnom
Penh ou Battambang, en plus petit. On y trouve de tout, des vêtements
bon marché, de lencens pour prier et assainir latmosphère,
des piles, des radios. Je cherche encore une fois un cadenas (ce sera le troisième
de ce voyage). En faisant des signes, je parviens à me faire comprendre.
Il faut sortir du marché pour trouver la quincaillerie, toute encombrée
doutils, vis, ferraille. Je trouve le petit cadenas adapté. A larrière
du marché en dur, ce sont les étals de nourriture : il y
fait très sombre et les allées sont jonchées de feuilles,
de sacs vides, de déchets divers. Les étals sont à hauteur
dhomme : estrade sur la quelle sont étalés morceaux
de viande, volailles, poissons, légumes ou fruits. La vendeuse est assise
sur un tabouret et jongle avec la balance.
De retour à lhôtel, je prends le petit déjeuner et
attend mon guide-chauffeur.
M. Vannath memmène au temple Nokor à 2 km à louest
du centre-ville.
Le mot « Nokor » vient du sanskrit nagara, qui signifie
« résidence royale ».
Le temple a été construit en grès et latérite dans
les dernières années du règne de Jayavarman VII. En 1190,
le roi chassa les Chams qui avaient envahi le Cambodge et Angkor et rétablit
la puissance de la dynastie khmère. Le temple Nokor se compose d'une
tour centrale entourée de quatre murs-enceintes en latérite. La
tour centrale du temple de Vat Nokor est décorée de motifs caractéristiques
du Bayon avec des scènes bouddhiques sur les frontons. Cette construction
présente la particularité d'être surmontée d'un stupa.
Après la visite, je me rends au départ du bus pour Skun, à
une quarantaine de kilomètres à louest, sur la route de
Phnom Penh. Skun est un croisement entre la route de Phnom Penh et celle de
Siem Reap, vers le Nord. Le bus part dès 10h10. Jattends très
peu. La route est bonne et assez fréquentée. Larrêt
où le car me dépose est un complexe de restauration. Tous les
cars de la même compagnie sy arrêtent, mais seulement ceux-là,
de telle sorte que je suis contraint dattendre le car de cette compagnie,
pendant 2 heures : le temps de déjeuner (soupe, riz, thé
chaud), décrire mon récit de voyage, de rencontrer des touristes
(un photographe sympathique et une touriste paumée, qui croit quon
est deux plus en avant), le temps aussi de mimpatienter car je trouve
le temps long. Japprécie la rapidité du service, et la propreté
des lieux. Je fais une petite visite aux cuisines où sactivent
dun coté les femmes (affairées à la vaisselle et
aux soupes), de lautre les hommes, autour des viandes et poulets.
Le car de Siem Reap arrive à 13h pile, lheure annoncée.
Le précédent car à sarrêter a eu un accident
avec une moto, ma dit un des passagers, français. Aussi jimaginais
le scénario où mon car serait retardé.
Le chauffeur va rouler très vire, un peu trop à mon avis compte
tenu des zones habitées traversées. Du temps où la route
nétait quune piste, les habitants ont pris lhabitude
de se loger près de la route, au risque dêtre inondés
de poussière. Aujourdhui, avec un trafic à grande vitesse,
le risque daccident corporel nest pas mince. Un gamin inconscient,
une poule égarée, une vache nonchalante peuvent être percutés
par un car ou une voiture trop rapide. Le chauffeur en a conscience et actionne
fréquemment son klaxon. Le paysage est très beau : des rizières
à perte de vue et par moment un morceau du lac Tonlé.
On fait une halte dans un grand café. Un jeune serveur veut absolument
me parler en anglais ; ce quil fait plutôt bien. Quand il me
demande si je veux un café, je ne peux pas refuser car il est très
gentil. Jen profite pour photographier les dames qui pillent le riz ou
des fèves au mortier e tune autre qui hache menu des herbes. Je ressens
une ambiance très conviviale que je ne trouvais pas au Laos.
Le soir descend lentement mais il fait encore jour quand nous atteignons Siem
Reap, peu avant 17h. Un jeune homme est monté quelques kilomètres
avant le terminus et prend place à côté de moi. Il mexplique
quil est mandaté par la compagnie pour maccompagner jusquau
centre ville et mévite la cohue des conducteurs de moto-taxis.
Cest vrai que les chauffeurs sagglutinent à la porte du car
pour happer le peu de client potentiel. Malheureusement je ne crois pas que
ce jeune homme soit de bonne foi et je me contenterai de lui demander de me
déposer à lancien marché et de lui payer un dollar.
Ce qui mintrigue est son insistance à me placer dans un grand hôtel
avec piscine, qui ne correspond pas à mes attentes. Ne passant quun
jour à Siem Reap, arrivant de surcroît le soir, jai lintention
de consacrer toute ma journée à la visite des temples, et de partir
aussitôt que possible ensuite pour la Thaïlande.
La ville a bien changé depuis ma dernière visite de 2003. Aussi, la période était moins active car cétait au mois davril. La rue est encombrée de motos-taxis. Le vieux marché na pas changé. Un nouveau marché, plutôt vide, a été construit il y a trois ans plus au nord par rapport à lancien. Il faut dire que lancien marché est carrément sordide : allées sombres et sales, y compris dans les parties dédiées à la nourriture.
Le dancing a laissé place à un triste restaurant très chic. Le petit salon de massage où jallais est devenu lagence de la compagnie de bus Capitol et le café où se pressaient les jeunes cambodgiennes, à laffût des touristes, nest plus animé que par quelques dames dun âge avancé. La ville sest assagie, en apparence. Je nai pas le temps de vérifier ce quil en est dans dautres quartiers. Une rue est maintenant fermée le soir pour laisser déborder les cafés branchés et lun deux regorge, paraît-il, de travestis !
Je remarque aussi beaucoup de terrains clos de barrières métalliques qui ne vont pas tarder à se couvrir dimmeubles tout neufs et de jour un nombre important de grands hôtels somptueux dédiés au tourisme de masse. Mes lectures sur internet confirment cette tendance : la ville sapprête à recevoir le tourisme de masse, de groupes venus dAsie notamment. Demain, je visiterai Ta Prohm au milieu dun flot ininterrompu de touristes asiatiques, chinois et vietnamiens. La visite des temples sera canalisée par des barrières et à sens unique. Fini la ballade romantique dans les ruines, les photos énigmatiques, les haltes pour songer. Il faudra marcher en continu au risque de se faire bousculer. Ce jour là, on pourra sabstenir de visiter les grands temples dAngkor.